Fabien Huet

Fabien
Huet

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Prototyper, itérer et évaluer son design

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De l’importance du prototype dans la conception

Mon expérience de concepteur est issue du design des ihm (interfaces homme-machine) web et applicatives ainsi que du design pour l’impression et le packaging. Mais les quelques considération qui suivent devraient pouvoir intéresser toute personne impliquée dans un processus de conception ; que ce soit pour un objet physique, un service, un algorithme… Lors de ce processus, les prototypes sont une nécessité.

Le prototype, c’est en premier lieu un moyen de communication. C’est le vecteur le plus efficace pour communiquer vos idées à vos clients, à votre équipe et à vos futurs utilisateurs. Et sans communication, point de salut ! Vous ne pourrez rien tester, rien confronter au réel, rien évaluer, rien améliorer. En résumé, c’est votre outil de travail le plus puissant.

À mon sens, un des aspects sur lesquels il faut se concentrer, c’est la vitesse de prototypage. Sortir rapidement de nouvelles versions à tester pour pouvoir faire évoluer le produit rapidement et éviter tout effet tunnel. Ceci parce-que les prototypes sont des questions et qu’au cours d’un travail de conception, il faut en poser le plus possible. L’erreur la plus fréquente, c’est de considérer qu’un prototype n’est pas assez abouti. En réalité, il l’est souvent trop et embarque trop d’élément d’un coup. Il devient alors difficile de tester unitairement et distinctement les différents aspects du produit conçu ; les éléments les plus prégnants (notamment l’aspect visuel) prenant vite le pas sur tout le reste et vont parasiter votre réflexion.

“The best way to have a good idea is to have lots of idea” Linus Pauling

Pour chaque prototype envisagé, il faut considérer deux variables : combien pourra-t-on apprendre a priori de l’expérience ? Et combien de temps et d’argent va-t-on investir pour le produire ? Bien évidemment il faut de maximiser la première et de minimiser la seconde autant que c’est possible.

Une autre aide conséquente à la conception, c’est de considérer les prototypes comme une stratégie pour gérer les éléments dont la complexité est difficile à évaluer a priori.

La finalité d’un prototype, c’est le feedback. Celui que vous allez produire vous-même en le manipulant ou celui que vont vous fournir les cobayes que vous allez observer le tester. Dans cette optique, il est plus pertinent de se fixer sur les buts du design. C’est à dire qu’il faut penser à ce qu’on veut que notre objet fasse, pas à l’objet ; on pourra alors beaucoup plus facilement produire un proto ramené à l’essentiel de la question posée et il conduira à un feedback précis et informatif. Beaucoup plus que si l’on tente de produire directement une version 1.0 complète.

Trois points sur les prototypes

Il y a trois types de prototypes

Ils sont tous trois aussi importants et il faut bien vérifier qu’on en produit au moins un de chaque.

Les itérations

Les itérations servent à resserrer les idées. Au début, l’écart entre les prototypes d’une itération à l’autre doit être très important ; y compris dans ses caractéristiques les plus fondamentales. Ensuite, plus on avance dans la conception, moins les variations doivent être importantes. C’est le signe qu’on va dans le bon sens.

On peut s’arrêter pour noter un point important ici : avoir des itérations qui représentent des “retour en arrière” lors des premières phases de la conception est normal. C’est même souhaitable. Des itérations qui ne vont que dans le sens d’une amélioration du produit signifie qu’on ne cherche pas suffisamment loin et qu’on ne remet pas suffisamment en question le travail qu’on est en train de faire.

Ceci est vrai notamment parce-que le coûts des changements augmente énormément avec le temps ; il faut donc faire les changements les plus importants dès que possible. Il faut donc faire largement varier sont prototype au début.

Ci-dessous un schéma théorique de l’évolution d’une des caractéristiques de votre prototype au cours du temps. Chacune des caractéristiques du prototype devrait suivre une courbe d’évolution similaire.

evolution d'un prototype

Évaluer la qualité de son design

Il est tout à fait possible de mesurer objectivement la qualité d’une conception ou d’un design. A priori, les “goûts et les couleurs” sont subjectifs ; mais ce n’est pas du tout un obstacle à leur évaluation. Tout design est construit dans le cadre de la subjectivité d’un public cible, une évaluation de la conformité des attentes subjectives du public avec le produit est une mesure objective.

Il est très compliqué, sinon impossible, d’évaluer son propre design. Notamment parce-qu’on devient rapidement aveugle aux défauts des produits que l’on conçoit. La solution consiste à aller à la source et à interroger votre cible. Il faudra alors se demander si les utilisateurs aiment les choses, s’ils parviennent à s’en servir, si l’expérience qu’ils en tirent est satisfaisante ; et surtout quelles modifications sont susceptibles d’améliorer les choses.

C’est plus simple et ça rapporte plus que ce qu’on pourrait penser. Je vous dresse ici une petite liste des types de tests réalisables pour évaluer vos prototypes.

Les tests en face à face

Ce sont les tests les plus communément évoqués. Ils consistent à mettre des testeurs dans un cadre contrôlé et à leur faire tester le prototype. On apprend beaucoup à chaque fois qu’on présente un proto à ses utilisateurs et les avantages de la méthode ne sont plus à démontrer. Cependant, ces tests ont quelques limites :

Les sondages

Une autre façon de tester une interface, un produit ou un service, c’est le sondage. Les sondages ont plusieurs avantages :

Mais cela reste du déclaratif et donc les gens ne disent pas forcément toute la vérité ; pas toujours consciemment d’ailleurs.

Les focus groupes

Il s’agit de réunir des gens pour recueillir leur opinion sur un sujet. C’est intéressant pour avoir des réponses très hautement qualitative parce-qu’on peut demander de développer certains points qui pourraient faire émerger de nouvelles idées au cours de la séance. C’est très bon en début de projet pour alimenter la créativité.

Le principal écueil de la méthode, est également son principal avantage. Comme les gens sont physiquement présents et qu’ils ont un retour direct sur l’avis qu’ils donnent, ils sont tentés de s’exprimer sur un ton qui leur semble politiquement correct et poli. Et c’est parfois très éloigné de ce qu’ils pensent vraiment. Quand on cherche à avoir des informations sur des sujets tabous ou trop sensibles… c’est une méthode à oublier.

Le feedback d’experts ou peer review

Ça consiste à faire tester son produit par des gens qui sont experts dans le domaine du produit. C’est difficile à mettre en place au sein des équipes de conception qui le vivent souvent comme une intrusion déstabilisante ; mais c’est une solution efficace quand la conception bloque sur un point particulier. C’est également une très bonne option à mi-parcours pour vérifier qu’on a bien exploré toutes les pistes intéressantes.

Dans le même ordre d’idée, le “dogfooding” est une solution pertinente. Cela consiste tout simplement à utiliser son produit. Les portes que j’enfonce en disant cela ne sont pas si ouvertes que ça. Il est fréquent en cours de travail d’arrêter de tester son propre produit de A à Z pour se concentrer sur certains aspects du produit. C’est dangereux pour la cohérence globale.

Ces deux méthodes d’évaluation vont vers une approche plus heuristique de la question. Vous pouvez consulter [http://www.useit.com/papers/heuristic/" target=”_blank”>les articles de Jacob Nielsen) à ce propos ; notamment “Heuristic Evaluation”.

Expériences comparatives, test A/B ou split run

Les expériences comparées peuvent avoir lieu en labo, sur le terrain, en sondage. Elles peuvent être plus ou moins dirigées, plus ou moins longues. Elles sont particulièrement efficaces quand vous pourrez l’appliquer sur un grand nombre de participants ; leur pertinence est donc très élevée dès qu’on est dans le domaine du web.

Le test A/B ou split run consiste à mettre en place deux solutions (ou plus) et à regarder laquelle performe le mieux dans le cadre définit par l’expérience. La mesure de la performance est le point le plus sensible de ce type de test.

Simulation & modèles formel

S’il est possible de peut générer des modèles robustes à propos de l’utilisation d’un objet ou d’une interface, il sera possible d’évaluer précisément l’impact potentiel de certaines modifications pour vérifier qu’elles produisent bien le résultat escompté.

C’est pertinent dans deux cas. Le premier est un test de performances sur les objets physiques ; le second sur la construction de solution à des problèmes de grande échelle.

Pour un objet physique, il peut s’agir par exemple de déterminer à combien de cycle ouverture/fermeture une poignée de voiture résiste. Un ensemble poignée de porte + robot qui va procéder à des cycles d’ouverture/fermeture sera le modèle. La répétition des cycles sera l’expérience.

Pour la solution de problème à grande échelle, il peut s’agir par exemple de déterminer comment les feux de signalisation doivent fonctionne dans une grande métropole. Un modèle informatique très complexe avec des milliers de variables modélise le trafic et donne le temps de trajet moyen entre deux points de la ville. En faisant varier la vitesse de passage du rouge au vert, on observe l’impact sur la vitesse de circulation.

C’est un type de test que l’on fait forcément. Lorsque l’on imagine comment les utilisateurs vont se servir d’un objet physique, on construit un modèle mental de l’utilisateur et on le confronte à l’objet qu’on est en train de concevoir. Il est très important d’en être conscient. Parce-que cette modélisation a ses limites -notamment la précision du modèle- et que la connaissance de ces limites est fondamentale pour éviter les erreurs lourdes.

Les éléments à considérer pour choisir une méthode de test

Lorsque vous devrez choisir une méthode de test, il faudra réfléchir aux avantages et aux inconvénients de chacun. Pour construire la série de tests qui vous convient le mieux, posez-vous ces questions :